Appel à la raison:–
La Paix Maintenant participe au lancement de cet appel, avec d’autres associations juives européennes, parce que nous avons constaté que nous partageons la même analyse : nous nous trouvons engagés à la fois à défendre la paix au Moyen-Orient sur la base de deux Etats et aussi à nous battre contre les campagnes de délégitimation d’Israël en tant qu’Etat. Nous constatons en outre qu’aujourd’hui il y a un blocage politique et qu’il n’y a pas de perspective dans le processus de négociations, quel que soit le gouvernement. Nous avons donc voulu lancé un appel à la raison aux Israéliens. Nous leur disons : nous sommes engagés depuis toujours à vos côtés, mais nous sommes inquiets quant à l’avenir car s’il n’y a pas de solution sur la base de deux Etats dans les toutes prochaines années, cette solution ne sera peut-être plus possible. En effet, vue l’imbrication des colonies dans le territoire palestinien, il sera de plus en plus difficile de créer un Etat palestinien viable et souverain au côté d’un Etat israélien évidemment indépendant. Vu le risque de voir cette solution de deux Etats impossible à mettre en place dans les prochaines années, alors qu’il est encore temps de le faire, il nous est apparu urgent de lancer cet appel à tous.
Pourquoi lancer cet appel à Bruxelles ?
– D’abord, il s’agit d’un appel de juifs européens, donc le lieu symbolique le plus fort est bien le Parlement européen pour cette initiative citoyenne de personnalités de toute l’Europe.
Ensuite, en tant que citoyens européens, nous voulons nous adresser aux institutions européennes et leur dire : ‘vous avez un rôle à jouer au Moyen-Orient’. L’Europe a une responsabilité historique dans la région qu’elle doit assumer. Elle ne peut pas laisser les Israéliens et les Palestiniens seuls face à face. Certes la solution se construira là-bas, mais il faut un accompagnement et l’Europe a un rôle à jouer dans cet accompagnement.
Quel accueil a reçu JCall en Israël ?
– Cela a fait beaucoup de bruit en raison de la qualité et de la diversité des personnalités qui l’ont soutenu. Bernard-Henri Levy ou Alain Finkielkraut sont connus pour être des défenseurs de la cause israélienne, on ne peut les suspecter d’être des antisionistes radicaux, de ce fait cela nous donne encore plus de légitimité.
Il y a eu beaucoup d’articles dans la presse israélienne et nous avons reçu beaucoup de messages de soutien des organisations qui sur place se battent pour la paix et qui attendent et ont besoin d’un relai en Europe comme il y en a un maintenant aux Etats-Unis avec JStreet.
Quel lien avez-vous avec ce lobby américain ?
– Nous n’avons aucun lien avec eux. C’est une organisation américaine qui agit aux Etats-Unis et n’a pas l’intention d’agir en dehors des Etats-Unis. C’est un lobby qui veut promouvoir la paix au Proche-Orient et se définit comme ‘pro-peace and pro-Israël’. Notre initiative est indépendante d’eux, même si nous aurons peut-être dans l’avenir l’occasion de faire des choses avec eux.
Que pensez-vous de l’accueil négatif d’une partie de la communauté juive en France et du lancement d’une contre-pétition ?
– Il y a deux types de réactions. D’une part il y a donc ce contre-appel, et donc le lancement d’un débat entre eux et nous et c’est ce que nous souhaitions : provoquer un débat. Avec ces gens-là on peut discuter. Nous partageons leur inquiétude pour Israël mais nous disons qu’il faut prendre des risques pour la paix, même si bien évidemment ce sont les Israéliens qui prennent les risques et pas nous. Malgré cela on peut faire passer notre message aux Israéliens.
Mais il y a ceux avec lesquels on ne discute pas. Ce sont les extrémistes juifs de droite qui nous accusent de traîtrise. Et la seule chose que nous avons à leur dire c’est que nous n’avons pas à leur prouver notre engagement aux côtés d’Israël. Et ce sont les radicaux extrêmes pro-palestiniens, je parle bien des radicaux, qui nous accusent de ne pas faire état des souffrances des Palestiniens. Nous ne pouvons que leur répondre que nous ne méconnaissons pas la situation des Palestiniens, bien au contraire, et que nous nous battons pour qu’ils aient bientôt leur Etat souverain et viable aux côtés d’Israël.
Quel avenir pour JCall, quelles sont vos ambitions ?
– L’appel est lancé ce soir au Parlement. Notre ambition est double. Il s’agit d’une part d’élargir encore le nombre de pays signataires de cet appel. Les gens viennent vers nous. Nous avons reçu des messages d’Australie, de Hongrie, de la part de membres de la communauté juive qui souhaitent lancer dans leur pays cette initiative. Cela fait tache d’huile et c’est ce que nous souhaitions. C’est très bien que la diaspora juive se prononce pour la paix, une diaspora légitimiste d’Israël qui prononce son inquiétude vis-à-vis de la politique actuelle du gouvernement israélien.
Il faut ensuite mettre en place une structure. Nous ne voulons pas faire un one-shot. On a signé de nombreuses pétitions, malheureusement cela n’a jamais servi à grand-chose. Mais nous sentons le désir de voir émerger une voix aux côtés des institutions juives dont nous n’acceptons pas les positions suivistes qu’elles peuvent prendre à l’égard de la politique du gouvernement israélien. Nous souhaitons donc affirmer notre voix critique et solidaire. Nous devons trouver les moyens pour maintenir cette coordination européenne et avoir une présence dans les mois à venir.
Interview de David Chemla par Céline Lussato, Nouvelobs.com
(le lundi 3 mai 2010)