Tribune de JC Lefort dans Nouvelobs.com
Si la grande majorité des 193 États des Nations unies ont fait part de leur intention de reconnaître l’État palestinien dans ses frontières de 1967, Washington a annoncé son veto. Paris doit prendre ses responsabilités.
Alternant accusations, intrigues et menaces, les dirigeants israéliens se sont fixés un impératif : empêcher la reconnaissance par l’ONU d’un État palestinien indépendant dans ses frontières de 1967, perspective qu’ils qualifient de « tsunami politique ». Après vingt années d’une négociation en tête-à-tête qui n’a eu comme autre conséquence qu’une aggravation de la colonisation israélienne, l’OLP est bien décidée à se sortir de cette impasse en demandant l’adhésion de l’État palestinien à l’Assemblée générale de l’ONU en septembre prochain.
Plus de 18 ans après la signature des accords intérimaires d’Oslo censés aboutir au plus tard cinq ans après à une paix fondée sur la légalité internationale, Benyamin Netanyahu ose affirmer que : « La demande unilatérale des Palestiniens constitue une violation des engagements pris par les Palestiniens dans leurs accords signés avec Israël ». Comme si le refus israélien de respecter ce calendrier, puis de tous les autres fixés aussi bien par la « Feuille de route » que par Annapolis ; comme si la poursuite par Israël de l’occupation, l’intensification de la colonisation, particulièrement à Jérusalem-Est dépeuplée brutalement de ses habitants palestiniens, le siège de Gaza, l’érection de plusieurs centaines de kilomètres de murs en Cisjordanie et le mépris continu des Conventions de Genève ne constituaient ni une politique de faits accomplis unilatéraux ni une violation meurtrière des accords signés depuis Oslo et de la légalité internationale. Une reconnaissance par l’ONU de l’État palestinien, par essence multilatérale, serait au contraire un acte de droit.
Veto
En mai dernier, M. Netanyahu répétait devant le Congrès américain les grandes lignes de son projet, lequel se résume au refus des frontières de 1967, du démantèlement des colonies et même du simple gel de leur construction, du retrait de Jérusalem-Est et de toute reconnaissance des droits des réfugiés palestiniens. Son ministre des Infrastructures nationales, Ouzi Landau prévient aujourd’hui devant cette perspective d’une entrée de la Palestine comme État membre de l’ONU : « Nous devrions alors imposer notre souveraineté sur les secteurs des Territoires (palestiniens occupés) à propos desquels il y a un consensus en Israël, c’est-à-dire la vallée du Jourdain et les grands blocs d’implantations, voire davantage ». Les menaces disent la mesure de l’enjeu politique de la démarche palestinienne.
Si la grande majorité des 193 États des Nations unies ont fait part de leur intention de reconnaître l’État palestinien dans ses frontières de 1967 (Cisjordanie dont Jérusalem-Est et bande de Gaza, soit 22% du territoire de la Palestine mandataire), Washington annonce son veto au conseil de sécurité et prévient que les aides aux Palestiniens seront coupées si ces derniers persévèrent. Curieuse situation qui voit les Etats-Unis de 2011 mettre un veto aux Etats-Unis de 2010 qui affirmaient à l’Onu : « L’an prochain nous accueillerons un nouveau membre, la Palestine » ! L’Europe, elle, est divisée. La France, qui a pourtant affirmé que l’édification de l’État palestinien constituait la meilleure garantie pour la sécurité d’Israël, se soustrait de l’histoire. Plaidant pour des pourparlers directs, Alain Juppé avait assuré à la mi-août que Paris saurait prendre ses responsabilités s’ils ne reprenaient avant septembre. Ces pourparlers n’ont pas repris et pourtant Paris se réfugie aujourd’hui devant cette absence d’unité européenne. Singulier comportement qui, au nom de l’unité européenne, conduit à l’inaction les États membres prêts à défendre le droit. Et une nouvelle fois, c’est sur les Palestiniens que Paris entend faire pression. Paris, de nouveau, ne tient compte ni des exigences du droit ni de celles d’une opinion publique internationale de plus en plus excédée de l’impunité dont jouit Tel-Aviv.
Paix
Nul ne nourrit d’illusions sur les changements concrets, sur le terrain, qu’entraînerait cette étape diplomatique permettant à l’État de Palestine de participer à part entière aux organisations des Nations unies pas plus que cette accession ne résoudrait, en soi, la mise en œuvre de toutes les résolutions de l’ONU nécessaires pour aboutir à la paix. Elle lui permettrait cependant, outre un accès de la Palestine aux organes de l’ONU, en particulier la Cour internationale de Justice et la Cour pénale internationale, de fixer clairement le cadre politique et le lieu – les Nations Unies – pour parvenir à la mise en œuvre de l’ensemble de ses droits nationaux, dont les droits des réfugiés. Il y aurait deux États dont l’un occupe l’autre et et non plus des territoires occupés sans statut étatique Au moment où les peuples du monde arabe se soulèvent pour la justice, la démocratie et la liberté, il est plus que temps de favoriser enfin une paix durable au Proche-Orient qui suppose la reconnaissance du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, avec une prochaine étape : la reconnaissance de son État indépendant. La France ne doit pas passer à côté de l’histoire devant nous qui se fait. Elle doit prendre ses responsabilités pour que puisse enfin poindre un avenir de paix pour les Palestiniens comme pour les Israéliens.
Jean-Claude Lefort, président de l’Association France Palestine Solidarité