Tunisie – Deux ans jour pour jour après la révolution du 14 janvier 2011, les Tunisiens sont de plus en plus nombreux à se demander s’il y a eu vraiment une révolution digne de ce nom ? Deux ans après, les langues commencent à se délier et les révélations et autres indiscrétions évoquent ce qui s’est passé, réellement, en ce 14 janvier, ainsi que durant les journées avant et après cette date, avec un rôle majeur joué par l’Etat du Qatar et ceux qui tournent dans son giron.
Sans entrer dans les détails des péripéties ayant entouré cet événement, l’histoire, qui ne pardonne pas, se chargera d’en révéler les vrais tenants et aboutissants, nous essayons de procéder à une évaluation du parcours effectué durant deux années pas comme les autres.
Le soulèvement déclenché dans les gouvernorats du Nord-Ouest et de l’Ouest du pays, régions à l’origine de la plupart des étincelles dans l’histoire de la Tunisie, a fini par avoir raison du régime despotique et corrompu de l’ancien président Ben Ali et des familles qui gravitaient tout autour. Et c’est tant mieux. Un ouf de grand soulagement a été poussé par tous les Tunisiens, plus particulièrement dans les zones défavorisées dont les populations ont cru, naïvement, qu’elles allaient en finir avec l’ère de la pauvreté, du chômage et du délaissement.
Mal leur en a pris. Leur « révolution » a été confisquée par des pseudo-révolutionnaires qui menaient la belle vie dans les capitales européennes, notamment à Londres et à Paris. Ainsi, les Ghannouchi, Marzouki et, islamistes de tous bords se sont précipités pour retourner en Tunisie.
Tout le monde avait cru, au départ, que cela entrait dans le cadre de la logique des événements dans le sens où la Tunisie est pour tous les Tunisiens en cette ère de reconstruction tous azimuts.
Après une quarantaine de jours chaotiques sous Mohamed Ghannouchi et après sa démission, un moment dramatique dans l’histoire du pays où tout le monde croyait qu’il allait entrer dans une période d’incertitude, Béji Caïd Essebsi a eu le courage d’accepter de relever le challenge qu’il est parvenu à relever de l’avis de tous, y compris ses pires détracteurs d’aujourd’hui.
Il a réussi, en effet, en compagnie d’une équipe de hautes compétences, à stabiliser un tant soit peu la situation socio-économique et sécuritaire, à assurer la gestion des affaires courantes dont notamment le passage des examens scolaires et universitaires, les échéances du Ramadan et de la rentrée scolaire et, bien évidemment et surtout, le déroulement des premières élections libres, neutres et indépendantes dans l’histoire de la Tunisie.
Entretemps, les islamistes avaient adopté un profil bas et se posaient en retrait, laissant le devant de la scène aux autres forces dites de gauche et autres organisations qu’ils manipulaient sans se montrer au grand jour. Au contraire, ils essayaient de profiter des erreurs stratégiques des forces démocrates pour se poser en victimes tout en agissant au milieu des populations défavorisées
Et le jour « J » des élections, la machine des islamistes s’est mise en branle d’une manière impressionnante. Dans chaque bureau de vote, il y avait un représentant d’Ennahdha, sans parler des manipulations pernicieuses qu’ils entreprenaient en douce. Les résultats étaient là et donnaient raison à leur tactique.
Et depuis, tel un rouleau compresseur, Ennahdha tentait de broyer tout sur son passage sous couvert de la légitimité et de la majorité. Une majorité acquise grâce à des alliances avec le CPR et Ettakatol qui, au nom de l’entente nationale, ne cherchaient qu’à avoir une part du gâteau. D’où les marchandages qui ont duré deux mois et abouti, comme l’on s’y attendait, à une prise de tous les postes clés par le parti islamiste avec des miettes aux deux alliés de décor.
Et comme l’on s’y attendait, Rached Ghannouchi a préféré rester « au dessus de la mêlée », tel un guide suprême », mais qui en réalité, tire toutes les ficelles.
Du coup, on a vu des têtes nouvelles qui n’on rien à voir avec la réalité tunisienne. On citera, entre autres Rafik Abdessalem, Lotfi Zitoun, Houcine Jaziri, Habib Khedher, Sahbi Atig, Abdelwahab Maâter et bien d’autres qui ont envahi les plateaux télévisés et les émissions radiophoniques affichant un ton arrogant et triomphal.
Durant les premiers mois d’après les élections, Ennahdha ne tarissait pas d’éloges sur les 9 mois du gouvernement transitoire de Beji Caïd Essebsi. Mais dès qu’il a lancé son appel du 26 janvier 2012, le ton a changé en faisant de cet homme la cible à abattre, plus précisément depuis la création de son parti Nidaa Tounès.
Mais un coup d’œil sur le parcours du gouvernement de la Troïka fait ressortir qu’il n’y a eu pratiquement que des échecs, des anomalies, trop de paroles, très peu d’actes, des opérations de diversion, des entorses, etc.
Première chose essentielle à relever est que le départ de cette étape s’est fait sur des bases faussées dans le sens où le gouvernement a été composé sans tenir compte du facteur des compétences, sans tenir compte de la nécessité de respecter le délai d’un an selon le décret régissant les élections du 23 octobre 2011, sans tenir compte des priorités du pays et pour lesquelles la « révolution » a eu lieu, en l’occurrence la dignité, l’emploi, le développement régional.
15 mois après la mise en place du gouvernement de la Troïka, la Tunisie ne dispose ni d’une nouvelle Constitution, ni d’Instance indépendante d’élections, ni d’Instance indépendante de la magistrature ni d’instance des médias, ni de loi électorale, ni de plan de développement économique, ni de politique sociale claire, ni… ni….
Au lieu d’un gouvernement de compétences chargé de gérer les affaires courantes et de parer au plus pressé tout en laissant l’Assemblée nationale constituante s’occuper de la Constitution, nous avons assisté à un gouvernement qui s’installe dans la durée, qui élabore des stratégies de long terme, parfois allant jusqu’à l’an 2020, des membres du gouvernement qui ont leurs propres affaires et font des affaires… Un gouvernement qui se croit être le plus fort de toute l’histoire du pays.
Un gouvernement qui nous fait croire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes et qui impose aux médias officiels de le dire dans une langue de bois au même titre que sous le régime de Ben Ali.
Finalement, qu’ont récolté les Tunisiens de cette « révolution » ? Le peuple, dans sa globalité, n’a rien obtenu de concret. Au contraire, le gouvernement tente de faire octroyer des centaines de millions de dinars aux anciens prisonniers dits politiques alors que des centaines de milliers de Tunisiens sont encore au chômage.
Pourtant ces anciens prisonniers ne sont pas aussi politiques que cela, dans la mesure où ils sont composés, à près de 95%, d’islamistes nahdhaouis qui n’avaient jamais lutté pour la patrie ou pour la démocratie, mais plutôt pour leur doctrine intégriste dans le but de prendre le pouvoir pour eux.
Il est impossible d’énumérer les flops de cette Troïka dans cet espace, mais on les ressent dans presque tous les secteurs. L’essentiel est de savoir, en célébrant cet événement du 14 janvier, où l’on va…
Il faut dire qu’Ennahdha misait sur une poursuite de la configuration politique telle qu’elle était au moments des élections du 23 octobre 2011, mais l’émergence du parti de Nidaa Tounès et la formation de coalitions entre les paris démocrates et progressistes tels le Front populaire, Al Massar et Al Joumhouri sont venus chambarder les visées des Nahdhaouis qui croyaient faire du prochain scrutin un remake de celui du 23 octobre 2011.
D’où les tentatives d’Ennahdha et du CPR de faire voter des lois anticonstitutionnelles et anti-démocratiques afin de faire exclure des Tunisiens et de les priver de leurs droits les plus élémentaires pour la seule et simple raison qu’ils ont peur de la concurrence loyale. D’où leur recours à des moyens détournés, en comptant sur la « dictature par le vote », au lieu de laisser faire la justice en vue de trancher en la matière.
En attendant, c’est le provisoire qui dure, c’est le remaniement ministériel, dont on parle depuis six mois, mais qui n’arrive pas encore, ce sont les tâtonnements suivis par des amateurs de la politique qui continuent… C’est la Tunisie moderne, démocratique, libre et diversifiée que les Islamistes tentent d’étouffer et de tuer.
Source : Noureddine Hlaou de Business News