Patrick Braouezec, Député, écrit au Premier Ministre

Situation au Maghreb : Patrick Braouezec, Député, écrit au Premier Ministre

Monsieur le Premier ministre, Des événements graves se déroulent depuis un certain temps dans les trois pays du Maghreb.

En Tunisie, un vaste mouvement de protestation et de révolte anime les populations du bassin minier de Gafsa depuis le début de l’année à la suite d’un concours d’embauche dont les résultats ont été jugés frauduleux. Encerclés et harcelés par la police et l’armée, les habitants se battent pacifiquement, au quotidien, pour l’emploi et le droit à une vie digne. Multipliant les manifestations, grèves et actions diverses, ils réclament l’ouverture de vraies négociations sur l’emploi et les conditions de vie. Ce mouvement témoigne d’une solidarité populaire forte autour de revendications sociales, économiques et politiques structurées, et va à l’encontre des idées reçues sur l’absence d’opposition. Le pouvoir tunisien répond, depuis le mois de juin, en emprisonnant et torturant massivement les jeunes, en arrêtant plusieurs dirigeants du mouvement de protestation qui sont alors inculpés de délits graves ou en conduisant des interrogatoires musclés.

Au Maroc, les événements de Sidi Ifni illustrent à leur tour le niveau de dégradation de la situation sociale et des conditions de vie qui se manifestent dans tout le Maroc de manière croissante par des mouvements sociaux multiples revendiquant le respect des droits économiques et sociaux. La répression d’Etat qui leur est opposée témoigne d’une férocité qui tranche avec les promesses démocratiques du nouveau régime.

Après les graves répressions politiques qu’a subies la Kabylie, les villes algériennes connaissent désormais régulièrement des révoltes incontrôlées, expression de nouvelles formes de protestation dans un champ politique fermé sans que l’on voit, après la flambée de violences d’Oran, jusqu’où ce type de révoltes peut mener.

Face à ces évènements, les régimes des trois pays durcissent leurs positions vis-à-vis des revendications sociales, utilisant la torture et commettant des actes humiliants, dans un contexte inquiétant d’inflation des prix et d’accélération du mouvement de vente au secteur privé des services et infrastructures publics.

Les alliances euro-maghrébines pour le contrôle des migrations prennent également une ampleur sans précédent dans les trois pays ainsi qu’en Lybie, donnant jour à la prolifération de véritables camps d’internement et à la mise en place d’une politique d’externalisation de contrôle remettant en cause la protection et l’accueil des étrangers, et en particulier des demandeurs d’asile.

A plus long terme, il faut craindre une période de grande instabilité dont les principales victimes seront les plus socialement et économiquement précaires et les classes moyennes marginalisées.Au moment où la France prend la présidence de l’Union européenne et où elle veut lancer l’initiative de l’Union pour la Méditerranée, il est indispensable qu’elle fasse prévaloir le respect des droits humains et des libertés civiles et politiques mais aussi le droit à la souveraineté.

Ces engagements seraient plus opportuns. En effet, la coopération euro méditerranéenne, telle que proposée, ne va reposer que sur des aspects économiques, avec la construction d’un espace de libre-échange et la libéralisation du marché d’ici 2010, et sécuritaires pour lutter contre le soit disant terrorisme et la corruption qui est érigée en véritable mode de gouvernance.

Il apparaît, malheureusement que l’Union méditerranée que le Président de la république appelle de ses voeux ne soit, une fois encore, qu’un outil au service des intérêts financiers. La population du Maghreb qui se mobilise pour le droit à la vie, au travail, à l’éducation et pour le droit syndical ne demande pas la construction de cet espace commercial dont elle sera exclue, elle appelle de sa voix et par sa mobilisation le respect des droits humains, le développement des libertés fondamentales, notamment en terme de droit syndical et de liberté de la presse, d’expression et d’organisation; la libération de tous les détenus d’opinion, l’arrêt de la torture, la fin des régimes d’exception; l’arrêt des politiques économiques de privatisation des services publics et d’attaque des droits sociaux de l’ensemble des salariés et aussi la libre circulation des personnes, la fermeture des lieux d’enfermement et l’annulation de tous les accords de lutte contre les migrations.

Monsieur le Ministre, si la France devait avoir un rôle avec les pays du Maghreb, ce devrait être celui-ci. La France se doit de dénoncer toutes les atteintes aux droits humains et de soutenir la contestation pacifique pour le droit au travail et à une vie digne et meilleure. Dans l’attente de votre réponse, je vous prie de croire, Monsieur le Premier Ministre, en ma considération.

Patrick Braouezec le 07 juillet 2008

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