Conférence de paix ou conférence de guerre ?
Les Etats-Unis ont fixé l’objectif réel de cette rencontre : constituer un système diplomatique d’alliances entre Israël et les Etats « modérés » arabes – les alliés sunnites – et l’Autorité nationale palestinienne (ANP) face à l’Axe du Mal représenté par l’Iran, la Syrie, le Hezbollah et le Hamas.
L’annonce le 16 juillet par le président George .W. Bush d’une « Conférence internationale pour relancer le processus de paix israélo-arabe » et l’arrivée de Tony Blair au Moyen-Orient comme « émissaire de paix » du quartette ont créé l’image d’une initiative de paix qui pourrait changer la situation explosive dans la région. Une énorme couverture médiatique internationale et une profusion de rencontres diplomatiques veulent accréditer cette perspective aux yeux d’une opinion publique internationale inquiète de la situation.
En réalité se profile un processus qui pourrait être le prologue, non pas de la paix mais d’une aggravation des tensions qui affligent la région. En clair, non pas un processus de paix, mais un processus de guerre…
Au Moyen-Orient plus qu’ailleurs, les mots comptent. Le mot « conférence » en particulier. Ce mot, surtout s’il est suivi de l’adjectif « internationale », suggère une grande rencontre internationale sous l’égide de l’ONU, impliquant par conséquent toute la communauté internationale (celle des Etats) et posant la question du respect du droit pour rétablir la sécurité collective menacée. En revanche, le mot « réunion » suppose une rencontre limitée, de préférence entre amis, sur invitation sélective établie par un Etat (ou plusieurs) comme puissance invitante. C’est le cas du G8, par exemple.
Conférence ou réunion ?
Alors que la presse parle à tous vents de « conférence internationale », d’un « nouveau climat de confiance qui s’instaurerait entre négociateurs israéliens et palestiniens », une lecture attentive des déclarations américaines et israéliennes sur ce point ont vite fixé les termes utilisés et, par conséquent, le contenu attendu par la puissance invitante, les Etats-Unis.
Pour caractériser son initiative, George W. Bush, a utilisé le mot « réunion », et les autorités israéliennes se sont empressées de préciser qu’il s’agit bien d’une « réunion » qui sera présidée par Condoleezza Rice. Deux jours après, le Quartette salue « l’appel du président George W. Bush » à une « réunion internationale sur le Proche-Orient » après que la Maison blanche, probablement sur pression israélienne, a assuré la veille qu’il ne s’agit pas d’une « grande conférence de paix » mais d’une réunion pour « essayer de trouver les moyens de construire des institutions fondamentales et essentielles pour les Palestiniens qui vont leur permettre de s’administrer eux-mêmes et d’avoir une démocratie ».
Par ces précisions sémantiques et par la nomination de Tony Blair comme envoyé spécial du Quartette, mais sans mandat plus large que celui de ses prédécesseurs, mais aussi par la nature des invités prévus – et des non invités (par exemple la Syrie…) – Pendant ce temps, les médias continuent de faire la promotion de cette « conférence » censée relancer le « processus de paix »…
Une diplomatie militarisée
Une semaine après l’annonce de l’initiative américaine, les « efforts de paix » des Etats-Unis s’intensifient. Ceux-ci décident d’approvisionner l’Arabie Saoudite et ses cinq voisins sunnites du Golfe (Qatar, Bahrein, Koweit, Oman, Emirats arabes unis – EAU) avec un arsenal d’armes de 20 milliards de dollars. Et, pour rétablir l’équilibre avec les amis arabes, ils donnent 13 milliards de dollars à l’Egypte dans les dix prochaines années. De son côté, pour la même période, Israël « affrontera la menace » avec un paquet de 30 milliards de dollars d’armements les plus sophistiqués.
Si on ne peut affirmer que cet « effort » consolidera automatiquement la paix, on peut être sûr au moins qu’il consolidera durablement les industries américaines d’armement. Selon Condoleezza Rice, « l’objectif est d’aider les forces de modération et de soutenir une stratégie plus globale visant à contrôler les influences négatives d’Al Qaïda, du Herzbollah, de la Syrie et de l’Iran ». On le voit, l’exportation de la démocratie au Moyen-Orient n’est plus à l’ordre du jour. Dans l’immédiat, l’enjeu est d’amener l’Arabie saoudite à participer à la rencontre de novembre.
Bernard Ravenel, président de l’AFPS (Association France Palestine Solidarité)
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