La Tunisie: 20 ans après (II)

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Tunisie : un bilan à deux facettes

Vingt ans après l’arrivée au pouvoir de Zine El Abidine Ben Ali, la Tunisie présente un bilan à deux facettes: des progrès socio-économiques reconnus par les institutions régionales et internationales, et, parallèlement, une évolution politique lente qui suscite régulièrement les critiques d’organisations non gouvernementales.

Relayées par l’opposition radicale, ces ONG estiment même que le pays accuse une « régression » en la matière et revendiquent « des réformes urgentes » pour « assainir la situation politique ».

Bien que nantie de ressources naturelles limitées, la Tunisie a enregistré au cours des deux dernières décennies un taux de croissance annuel de 5% en moyenne. Le revenu par tête d’habitant a été porté de l’équivalent de 500 euros en 1987 à plus de 3.500 euros. Une des fiertés du régime, le taux de pauvreté a été ramené à 3,8% contre 7,7% il y a 20 ans, et 80% des Tunisiens sont aujourd’hui propriétaires de leur logement, selon les autorités.

La dernière performance en date est le classement du Forum économique mondial (FEM), qui place la Tunisie au premier rang des pays africains en matière de compétitivité, le 32e mondial sur 131 pays.

Ces progrès sont relativisés par le problème du chômage (13,9% selon les chiffres officiels) qui affecte surtout les diplômés de l’enseignement supérieur, dont plus de 50.000 jeunes affluent annuellement sur le marché de l’emploi.

« C’est une véritable bombe à retardement pour l’avenir et qui pose un problème pratiquement insoluble si on continue dans les mêmes orientations adoptées jusque là », avertit le chef du Forum démocratique pour les libertés et le travail (FDLT), le Dr Mustapha Ben Jaâfar.

Au plan politique, le dirigeant de ce parti de l’opposition légale estime que « le bilan est malheureusement la régression », après « les espoirs réels » suscités à l’avènement du régime Ben Ali.

« Aujourd’hui, la présidence à vie est pratiquement restaurée, sous une forme à peine déguisée et il y a des atteintes au quotidien aux libertés publiques, à telle enseigne que la grève de la faim est devenue désormais la forme de contestation traditionnelle », regrette-t-il. Pour ce vieux routier de l’opposition, « il est réellement temps de changer de cap ».

Joignant sa voix à celle de la secrétaire générale du Parti démocratique progressiste (PDP), Maya Jribi, il soutient qu’aujourd’hui, le pays a besoin d’une réforme globale qui touche tous les domaines » et suggère, « pour rétablir un climat de confiance dans le pays », la libération des prisonniers politiques, estimés à quelque 300, pour la plupart des islamistes du mouvement Ennahdha (interdit), que les autorités privent de ce statut en les considérant comme des détenus de droit commun.

Il juge aussi indispensable de mettre un terme « aux atteintes aux libertés et au verrouillage qui fait que tout est sous contrôle, aboutissant à une « vie politique in-vitro ».

Face aux critiques de l’opposition, le président Ben Ali fait constamment valoir que « le choix démocratique est irréversible » mais demeure attaché à « une démarche progressive ». Il préfère « avancer à pas sûrs » en s’interdisant toute « précipitation » et « tout saut dans l’inconnu » qui ont été « néfastes » dans d’autres pays.

Le Dr Ben Jaâfar conteste cette démarche qui, juge-t-il, « aurait pu avoir une certaine crédibilité au cours des premières années du Changement ». « Nous sommes, à niveau socio-économique équivalent, le seul pays qui marque un tel retard sur le plan du développement politique », martèle-t-il.

Autre changement qu’il revendique, la révision du code électoral dans le sens de la liberté des candidatures pour les scrutins aussi bien présidentiel que parlementaire, la mise en place d’une commission nationale de contrôle des élections qui soit « réellement indépendante et neutre » et « criminaliser clairement toutes les formes de fraudes ».

Dans la même veine, l’ancien président fondateur de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH), Dr Saâd Eddine Zmerli, estime qu’à l’instar de l’organisme humain, un système politique « a besoin d’aération et d’adaptation ».

« Malgré les défis de la montée des extrémismes, du contexte mondial incertain, de la flambée des prix du pétrole avec son train de conséquences, il faut faire le pari d’une réelle ouverture pluraliste », déclare-t-il dans un entretien à l’Associated Press. Il se dit « sûr qu’un sursaut peut être possible, qui fera taire les sceptiques et les cassandres ».

AP – 06.11.2007

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