Elections législatives: l’Egypte habitué aux fraudes du pouvoir

Le parti de Moubarak verrouille les législatives

Le scrutin de dimanche ne représente aucun danger pour l’inamovible président du pays et le parti au pouvoir, 
qui oscille entre dérive népotique et corruption. Divisée, l’opposition a été réprimée et empêchée de faire campagne.

Les élections législatives se déroulent dimanche, en Égypte. Mais il n’est pas certain que ce scrutin passionne les Égyptiens, habitués aux fraudes du pouvoir et à un monolithisme politique placé sous le signe de l’état d’urgence (en vigueur depuis près de trente ans) et de la répression sociale. Les partis en lice comprennent le Parti national démocrate (PND) au pouvoir, le parti Wafd, le parti Tagammu (marxiste), le parti nassérien. Les Frères musulmans doivent se présenter sous l’étiquette indépendante car les partis religieux sont officiellement interdits mais officieusement tolérés.

Selon la Haute Commission électorale, 5 720 candidats ont déposé leurs candidatures pour ces législatives bien que l’opposition ait multiplié les critiques contre une élection jouée d’avance au profit du PND. Plusieurs groupes de défense des droits de l’homme accusent la police de brutalité systématique.Les enjeux sont donc faibles et vont plutôt servir à prendre date pour l’élection présidentielle prévue dans un an. Hosni Moubarak, l’inamovible président, en place depuis vingt-neuf ans, est âgé de quatre-vingt-deux ans et sa santé n’est pas des meilleures. On lui prête la volonté d’installer son fils Gamal à sa place, suivant une règle népotique déjà expérimentée ailleurs, mais ce dernier fait profil bas, affirmant n’avoir «aucune ambition personnelle», ce qui ne l’empêche pas d’être l’un des premiers dirigeants du PND.

Des frères musulmans sans alternative politique

Autre enjeu : le score des diverses formations de l’opposition. Les Frères musulmans avaient, lors des dernières élections, raflé un cinquième des sièges. Mais eux-mêmes doutent de pouvoir réaliser un tel score. Première force d’opposition du pays, la confrérie islamiste a dénoncé l’arrestation de plus d’un millier de ses sympathisants à travers le pays ces dernières semaines et l’invalidation abusive de certaines candidatures. Mais pour Amr Chobaki, du centre Al-Ahram d’études politiques au Caire, les Frères sont aussi victimes de leur incapacité à incarner une alternative politique crédible. «J’y vois l’échec de leur travail parlementaire, et compte tenu de leurs slogans religieux, ils continuent d’être perçus par certains comme une menace pour la société civile», assure-t-il.

«Les Égyptiens vivent au quotidien la pauvreté et la corruption», explique à l’Humanité Hamdeen Sabahy, du mouvement nassérien. «Il y a une dictature à l’intérieur et une soumission aux États-Unis à l’extérieur. C’est ce qui laisse l’Égypte sans mouvement. Il ne faut pas s’attendre à ce que ça change sauf si le peuple passe de son insatisfaction à un mouvement réel.» Les tentatives de constitution d’un front uni issu des luttes sociales de ces dernières années n’ont pas abouti, laissant les progressistes isolés. C’est aussi ce que regrette Salah Adly du Parti communiste égyptien, interdit, mais qui travaille en collaboration avec le mouvement Tagammu. « Nous sommes sept partis qui essayent de se réunir et de trouver des points d’accord », explique-t-il, en remarquant que les Frères musulmans « sont les plus importants en tant qu’organisation mais sont les moins radicaux dans leur opposition au pouvoir ». Mais pour l’heure, la division subsiste. «Nous avons pourtant besoin d’une troisième voie entre le pouvoir et les Frères musulmans», déplore Hamdeen Sabahy.

Pierre Barbancey

http://www.humanite.fr/25_11_2010-le-parti-de-moubarak-verrouille-les-l%C3%A9gislatives-458619

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