Dimanche, une soixantaine de migrants tunisiens et plusieurs centaines de militants italiens et français ont été bloqués à Vintimille, du côté italien de la frontière. Paris a interrompu le trafic ferroviaire pour prévenir… « des troubles à l’ordre public ». Une bisbille diplomatique sur fond de détresse humaine.
Dimanche en fin de matinée, des militants transalpins et français s’étaient donné rendez-vous à Vintimille, une petite ville italienne située à 9 km de la frontière, pour soutenir les migrants tunisiens arrivés en Italie après la chute de Ben Ali il y a trois mois. Ces militants associatifs veulent que les pays européens leur accordent des droits de circulation. Pour seule réponse, la préfecture des Alpes-Maritimes a fait interdire toute circulation ferroviaire entre Nice et Vintimille, prétextant « des risques de trouble manifeste à l’ordre public » d’après le ministère français de l’Intérieur.
Début avril, Rome avait régularisé pour six mois 22 000 réfugiés, pour « nettoyer » l’île italienne de Lampedusa, d’après les mots de Silvio Berlusconi. Le ministre français de l’Intérieur avait surenchéri sur le même ton en agitant la menace d’un « raz de marée » de migrants sur la France.
Teresa Maffeis est membre de l’Association pour la démocratie à Nice (ADN). Elle a pu rejoindre la petite ville italienne avec une quinzaine de Français avant l’interruption du trafic ferroviaire : « Un train est arrivé de Gêne avec une soixantaine de migrants et plusieurs dizaines de militants. L’ambiance était très pacifique malgré la présence policière. Il y avait beaucoup de jeunes Italiens arrivant également de Bologne », témoigne-t-elle.
La plupart des migrants sont Tunisiens, arrivés sur l’île de Lampedusa et régularisés par le gouvernement italien. « C’était très émouvant de les voir, raconte Teresa Maffeis. Il y avait des très jeunes, un peu perdus et surtout exténués… Ils ont compris que [leur présence] était un problème politique en France, mais ils ne connaissaient pas ces considérations. Ils nous ont raconté leur étonnement, par exemple, lorsqu’ils s’installent dans un bus, de voir les gens s’accrocher à leur sac. Nous les avons même choqués en leur expliquant comment les choses étaient perçues ici. » En fin d’après-midi, devant le blocage maintenu par les autorités, les militants ont obtenu l’ouverture d’un centre d’hébergement pour les migrants.
Sur le terrain diplomatique, l’Italie demande des « éclaircissements » à la France suite à l’interruption du trafic ferroviaire et exprime sa « ferme protestation » par l’intermédiaire de son ambassade à Paris.
Paris exige désormais que les migrants puissent justifier notamment d’un passeport et de ressources de 30 à 60 euros par jour pour pouvoir pénétrer sur le sol français. « La libre circulation n’empêche pas qu’on puisse fixer des conditions, notamment en terme de ressources, explique Pierre Henry, directeur général de France terre d’asile, contacté ce lundi. Mais ce sont des manœuvres de retardement qui ne répondent pas a un souci d’efficacité. On est en train de confectionner un récit national, un conte, à destination d’une partie de l’opinion… à chaque fois qu’on parle d’immigration, on fait le « buzz » et il en sera ainsi jusqu’à l’élection présidentielle. »
Les dizaines de migrants refoulés hier restent pour l’heure bloqués à Vintimille.
Source :Politis