En route vers Gaza, le «Dignité» en appelle aux médias

reportageLe bateau français de la «flottille de la liberté» navigue dans les eaux internationales, au large de la Grèce. L’équipage est décidé à aller jusqu’à Gaza.
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Par QUENTIN GIRARD envoyé spécial à bord du «Dignité»

Les passagers du «Dignité» mardi 5 juillet dans l’après-midi. (Q.G.)

16 heures en Grèce, quelque part dans les eaux internationales, mardi après-midi. Après de longues discussions, les passagers du Dignité ont enfin pris leur décision. Ils iront jusqu’à Gaza. Moment un peu surréaliste où au milieu de la mer, ballotés par les vagues, ils installent des banderoles et font une déclaration officielle.

Lorsqu’ils ont quitté le port industriel de Salamina, lundi matin, ils ne savaient pas vraiment jusqu’où ils tenteraient d’aller. Là, alors qu’ils sont enfin arrivés dans les eaux internationales un peu vers 15 heures – après avoir mouillé la nuit dans une petite crique – ils se disent déterminés. «Nous allons jusqu’à Gaza. Les collectifs français et internationaux ont annoncé officiellement qu’ils nous soutenaient quelle que soit notre décision», s’enthousiasme Julien Rivoire, l’un des porte-paroles de la campagne. «Mais pour y aller, nous avons aussi besoin des médias, que des télés nous rejoignent pour montrer notre action et pour des questions de sécurité», continue-t-il.

Au loin on ne voit aucune île, même pas quelques cargos, ces petits points noirs d’ordinaire rassurants qui s’éparpillent à travers l’horizon. «Nous voulions montrer que nous pouvions bloquer le blocus grec, explique Julien Rivoire. C’est une fois que c’était fait que nous nous sommes demandés ce que nous faisions ensuite.»

Rentrer en France? Impossible

Le matin même, la discussion a été comme toujours intense sur le Dignité. Que faire? Rentrer en France? Impossible pour eux. Aller dans un autre pays symbolique comme la Tunisie pour attendre, pour montrer que ce n’est qu’une escale? Pourquoi pas, c’est déjà mieux, estiment-ils. Mais non. La seule solution viable selon eux s’impose. Aller jusqu’à Gaza. «Il faut que le Dignité représente jusqu’au bout les comités français et internationaux», argumente Olivier Besancenot.

«L’important c’est la faisabilité politique qui conditionne la faisabilité technique, Il faut être le plus représentatif et soutenu possible», continue Nabil Esnari, président du Collectif des musulmans de France. «On ne veut pas être vu comme des islamo-gauchistes-khmers-verts qui agissons dans notre coin», soutient la député Europe-écologie Nicole Kiil-Nielsen.

«Ma préférence serait d’aller sans attendre vers Gaza», prend alors position Olivier Besancenot, comme d’autres. «Notre protection, c’est la preuve qu’on existe, qu’on continue d’avancer. On ne peut pas se permettre de devenir le bateau fantôme.»

Reste la question des moyens techniques. Le Dignité est un petit yacht de 15 mètres de long, catégorisé plaisance. C’était au départ l’un des bateaux les moins importants de la flottille. Il n’a pas l’autonomie pour aller au large de la Crête jusqu’à Gaza. Il aurait forcément besoin d’être ravitaillé en carburant et en eau en route. D’où la difficulté qu’il y aura dans les prochaines heures pour coordonner les ambitions politiques et les moyens techniques.

Une petite crique, des chèvres, et… la mer

Mais ils se veulent confiants. Les douze passagers (1) sont ragaillardis par leur deux jours en mer après une semaine d’embûches à Athènes. Même si, du coup, les paysages grecs donnent une coloration particulière à l’aventure. Dans la capitale, enfermés dans des salles de réunion à multiplier les points et planifier des actions de protestation, l’ambiance était sérieuse et solennelle. Même pas le temps d’aller voir l’Acropole.

Là, dur d’échapper aux les îles grecques. Dans la nuit de lundi et mardi, le Dignité a fait mouillage dans une crique d’une petite île. Au matin, les passagers ont été réveillés par les chèvres dont les clochettes tintinnabulent gaiement. Un berger longeait la falaise, le chant du coq, quelques petites maisons blanches aux volets bleus, des
falaises escarpées, l’eau si belle… «Le matin, tu passes par trois étapes», raconte Olivier Besancenot. «D’abord tu te réveilles, tu ne sais plus où tu es, ensuite tu regardes autour de toi et tu te dis: « ah oui, c’est beau ». Et juste après tu te demandes quelle est la prochaine réunion, quel est le plan qui va être mis en place.»

Le plan: Gaza, en ayant avec embarqué des télés. Peut-être changera-t-il dans les prochaines heures. En attendant, le Dignité vogue. Le bruit du moteur rend sourd. L’odeur du fioul enivre un peu. Devant, rien. La mer, juste la mer.

(1) A bord se trouvent trois hommes d’équipage, huit militants – outre Olivier Besancenot il y a aussi Nicole Kiil-Nielsen, députée Europe-écologie, Annick Coupé, porte-parole de l’union syndicale Solidaires, ou Nabil Ennasri, président du Collectif des musulmans de France – et un journaliste, l’auteur de ces lignes

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