Les instances religieuses ne veulent pas du débat sur la Laïcité et l’Islam

Par Hortense Paillard, dernière mise à jour le mercredi 30 mars 2011.

Voulu et imposé par Nicolas Sarkozy et mis en oeuvre par l’UMP de Jean-François Copé, le débat sur la Laïcité et l’Islam — qui doit se conclure lors d’une convention programmée le 5 avril prochain à l’hôtel Méridien-Montparnasse de Paris — vient de subir un nouveau et très sérieux revers.

Après son rejet par les principaux intéressés, les musulmans eux-mêmes qui accusent l’UMP de stigmatiser la deuxième religion du pays; après les virulentes critiques émises par un proche conseiller de Nicolas Sarkozy, Abderrahmane Dahmane, qui appelle ses co-religionnaires à porter une étoile verte en signe de protestation; après la valse-hésitation de Dalil Boubakeur, pourtant très modéré recteur de la Grande Mosquée de Paris; après les prises de distance d’un certain nombre de poids lourds de la droite, dont le patron du Parti Radical, Jean- Louis Borloo, qui réclame que la laïcité ne soit pas utilisée “comme un revolver braqué sur l’Islam”; après la pétition du Nouvel Obs et de RespectMag, signée par une centaine de personnalités et appelant à l’annulation du débat; après le clash entre François Fillon et Jean-François Copé, ce dernier accusant le Premier ministre de ne pas “jouer collectif” sur le sujet; ce sont désormais les représentants des six grandes religions de France qui font savoir qu’ils désapprouvent ce très controversé débat sur la Laïcité et l’Islam. C’est la première fois qu’ils signent ensemble une déclaration commune.

Dans une tribune publiée ce mercredi 30 mars dans Le Parisien, la Conférence des Responsables de Culte en France (CRCF) — créée en novembre dernier, celle-ci rassemble catholiques, protestants, orthodoxes, juifs, musulmans et bouddhistes — s’interroge en effet sur la pertinence d’un tel débat ainsi que sur la légitimité d’un parti politique pour le mener seul.

Co-signé notamment par :

1. André Vingt-Trois (président de la Conférence des Évêques de France)

2. Claude Baty (président de la Fédération Protestante de France)

3. Laurent Schlumberger (président du Conseil National de l’Église réformée de France)

4. Métropolite Emmanuel (président de l’Assemblée des Évêques orthodoxes de France)

5. Gilles Bernheim (Grand Rabbin de France)

6. Mohammed Moussaoui (président du Conseil Fançais du Culte Musulman)

7. Olivier Wang-Genh (président de l’Union Bouddhiste de France),

Le texte exprime clairement la défiance des instances religieuse françaises.

Elles rappellent que les débats et colloques sur la laïcité sont déjà nombreux et qu’en cette période pré-électorale, où l’on assiste à une montée en puissance du Front National, il convient d’éviter “les amalgames et les risques de stigmatisation” d’une communauté religieuse — en l’occurence l’Islam, même si celui-ci n’est pas mentionné nomément dans le texte. Elles refusent en outre, “sans aucun esprit polémique ou partisan”, qu’un seul parti, “fût-il majoritaire”, s’occupe des questions de laïcité et de religion. Concernant l’adaptation des cultes aux évolutions de la société française, elles reconnaissent enfin volontiers que la loi de 1905 sur la laïcité est encore “perfectible” mais elles rappellent aussi les travaux remis en ce sens au gouvernement depuis 2006.

“La laïcité est un des piliers de notre pacte républicain, un des supports de notre démocratie, un des fondements de notre vouloir vivre ensemble. Veillons à ne pas dilapider ce précieux acquis”, déclarent les signataires. ” N’ajoutons pas de la confusion dans la période trouble que nous traversons”, concluent-ils.

Indépendamment de la Conférence des Responsables de Culte en France, le Conseil Français du Culte Musulman a de son côté exprimé récemment sa propre inquiétude sur ce débat à teneur islamophobe. Dans un communiqué il a tenu à rappeler les dérapages racistes auxquels avait donné lieu en son temps le débat sur l’Identité nationale, voulu lui aussi par le président de la République. L’été dernier, l’Eglise catholique s’était elle aussi élevée contre une énième séquence raciale et sécuritaire de Nicolas Sarkozy qui demandait l’expulsion des Roms du territoire français.

http://www.republique-des-lettres.fr/11430-nicolas-sarkozy.php

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