Les émeutes sont réprimées dans le sang par le régime de Ben Ali.

Tunisie, le soulèvement

Monde 12/01/2011 à 11h10 (mise à jour à 17h54)

Graves affrontements à Tunis, un couvre feu décrété

Dans la matinée, le ministre de l’Intérieur avait été limogé et le Premier ministre a annoncé la libération de tous les manifestants qui avaient été arrêtés.

Des manifestants et les forces de l’ordre se sont affrontés dans le centre de Tunis mercredi en début d’après-midi et la police a eu recours aux gaz lacrymogènes pour disperser la foule. Un couvre feu nocturne a été décrété pour la capitale tunisienne et sa banlieue, par le ministère tunisien de l’Intérieur, à la suite de troubles dans «certains quartiers», selon un communiqué officiel.

A Tunis, des centaines de jeunes criant des slogans contre le régime sur la place de la porte de France ont essayé d’avancer vers l’avenue Habib Bourguiba, et les forces de sécurité leur ont barré la route en tirant des grenades lacrymogènes.

Aucun bilan de ces affrontements, les plus graves à se produire dans Tunis depuis le début des émeutes en Tunisie au mois de décembre, n’était disponible dans l’après-midi, alors que les violences ont cessé.
Des passants pris de panique, les yeux larmoyants ont été repoussés par la police dans les ruelles. Les souks se sont vidés et les commerces, y compris une grande surface, ont baissé leurs rideaux.
Deux civils tués à Douz d’après des témoins

Deux civils ont également été tués par des tirs de la police à Douz, dans le sud de la Tunisie, lors d’une manifestation ayant dégénéré. C’est la première fois depuis le début des émeutes il y a un mois en Tunisie que cette ville de 30.000 habitants, située à 550 km au sud de Tunis, connaît de telles violences, a affirmé ce témoin.

«Les victimes sont Hatem Bettaher, un enseignant universitaire et Riad Ben Oun, un électricien», a précisé ce témoin qui s’exprimait sous le couvert de l’anonymat, ajoutant qu’«entre quatre et cinq autres habitants ont été blessés, dont certains grièvement».

Tout a commencé mardi soir par une manifestation d’habitants qui s’était déroulée «pacifiquement» mais qui a été suivie par une attaque de «jeunes» contre le siège de la sous-préfecture, le poste de police et le siège du parti au pouvoir. «Les manifestants ont crié des slogans contre la corruption», a ajouté cet habitant.

Les manifestants se sont rassemblés à nouveau mercredi matin devant le siège de la sous-préfecture mais la police a utilisé du gaz lacrymogène pour les disperser «avant de tirer à balles réelles», a indiqué ce témoin, un ancien syndicaliste.

«En ce moment, les forces de l’ordre sont encerclées dans le siège de la sous-préfecture par une foule en colère qui demande justice mais l’armée s’est interposée entre les deux parties», a-t-il ajouté.
Un opposant d’extrême gauche arrêté

Le chef du Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT, interdit), Hamma Hammami, a, par ailleurs, été interpellé à son domicile, près de Tunis. «Plusieurs policiers ont forcé la porte de notre appartement, perquisitionné et cassé, avant de prendre Hamma sous les yeux de sa fille», a raconté son épouse, Radia Nasraoui.
Hamma Hammami, 59 ans, est le dirigeant d’un parti «illégal» d’extrême gauche autrefois très présent à l’université. Recherché par la police, il vivait dans la clandestinité jusqu’à récemment et était intervenu plusieurs fois, ces derniers jours, sur des télévisions étrangères pour dénoncer le régime du président Ben Ali.

Ministre de l’Intérieur viré

Le Premier ministre tunisien Mohamed Ghannouchi a annoncé mercredi à Tunis le limogeage du ministre de l’Intérieur Rafik Belhaj Kacem, alors que des émeutes sociales ayant fait des dizaines de morts secouent le pays depuis quatre semaines.
Il a également annoncé, au cours d’une conférence de presse, la libération de toutes les personnes arrêtées pendant les manifestations, à «l’exception de ceux qui sont impliqués dans des actes de vandalisme».

Un universitaire et ancien membre de gouvernement, Ahmed Friaâ, a été nommé ministre de l’Intérieur et prendra ses fonctions aujourd’hui même, a poursuivi M. Ghannouchi, annonçant de nouvelles mesures décidées par le président Zine El Abidine Ben Ali. Parmi celles-ci, il a fait état de la création d’un «comité d’investigation pour enquêter sur la corruption et les dépassements de certains responsables».

Le Premier ministre a aussi annoncé l’institution d’une allocation d’environ 150 dinars qui sera perçue par les diplômés chômeurs qui «seront engagés à mi-temps pour des prestations d’utilité publique, en attendant des emplois permanents».

Interrogé sur le déploiement de l’armée, il a affirmé que les militaires étaient là «seulement pour protéger les institutions publiques contre les actes de vandalisme et de pillage de biens».

A propos de tirs de snipers signalés dans le centre-ouest, en particulier à Kasserine, et des accusations de pillages attribués à des forces de sécurité par les habitants, il a répondu qu’une «commission enquêtera sur les dépassements qui se seraient produits durant les événements».
(Source AFP)

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