Pepe Escobar, Asia Times 27 octobre 2010 traduit de l’anglais par Djazaïri
Les néo conservateurs ont toujours soutenu que les Etats Unis avaient envahi l’Irak pour apporter la “démocratie” (au bout du fusil). Il semble que faute de démocratie, les plus gros succès du système judiciaire américain ont bel et bien été institués dans l’Irak (qui reste occupé); la torture (comme WikiLeaks l’a amplement démontré) et la peine de mort.
Vous parlez d’une libération.
http://www.alterinfo.net/Tarek-Aziz-la-mort-pour-recompense_a51223.html
Tarek Aziz : Voilà un homme courageux
Déjà condamné en mars 2009 à quinze ans de prison pour crimes contre l’humanité, et malgré les deux crises cardiaques qui l’ont beaucoup affaibli, il écope aujourd’hui de la peine de mort « pour son rôle dans l’élimination des parties religieux », selon un porte-parole de la Haute cour pénale irakienne.
6 août 2010 : Le journaliste Martin Chulov, du « Guardian », a pu interviewer Tarek Aziz dans sa nouvelle prison, au retour du Tribunal de la Zone verte où le régime de Bagdad l’a impliqué dans une nouvelle affaire.
Tarek Aziz peut enfin parler
C’est la première fois que l’ancien vice-Premier ministre irakien est autorisé à s’adresser à un étranger en dehors des geôliers du Camp Cropper, des enquêteurs de l’ONU, de la CIA, du MI6…. et du juge français Philippe Courroye, l' »intègre » magistrat « chouchou » de Nicolas Sarkozy et d’Eric Woerth, connu pour son acharnement particulier à l’égard des gaullistes historiques (Pasqua, Marchiani), et ses persécutions contre les amis de l’Iraq dans le fameux dossier « pétrole contre nourriture »..
Son seul regret :s’être rendu aux troupes d’occupation pour sauver sa famille
Visiblement affaibli par la maladie et « sept ans et quatre mois » d’incarcération, il se présente comme un « nationaliste arabe loyal » et nie toutes les accusations portées contre lui.
Il n’a jamais, dit-il commis de crime contre des civils, des militaires ou des religieux. Sur des centaines de plaintes déposées contre le régime baassiste, personne ne l’en a d’ailleurs accusé nommément.
En temps qu’ancien membre du Conseil de Commandement de la Révolution (CCR), vice-Premier ministre, ministre des Affaires étrangères, on peut tout au plus évoquer contre lui une « culpabilité par association ».
Pendant 30 ans, il a défendu les positions de son pays, même lorsque qu’il n’y était pas favorable. Cela avait été le cas, en 1990, lorsque l’Irak a envahi le Koweït, parce que cette décision débouchait sur une guerre contre les Etats-Unis, mais que l’on ne compte pas sur lui pour émettre des critiques. Ce n’est pas un opportuniste. L’heure viendra peut-être pour lui d’écrire ses mémoires, et à ce moment là il donnera sa version des évènements.
Son seul regret, c’est de s’être rendu aux troupes d’occupation, le 24 avril 2003. C’était une décision grave, prise pour sauver sa famille qui a pu quitter l’Irak pour Amman à bord d’un avion américain.
Quelques jours plus tôt, il avait rencontré Saddam Hussein, dans le quartier Mansour à Bagdad, pour lui réaffirmer son soutien, et lui dire au revoir.
« L’Iran est notre pire ennemi »
Tarek Aziz affirme que Saddam Hussein et lui avaient été choqués par les attentats du 11 septembre et révèle que l’ancien président irakien lui avait demandé de l’écrire à Ramsey Clark, ministre de la Justice – Attorney general – sous le Président Johnson et opposant à la guerre du Golfe. C’est à partir de ces attentats qu’il est devenu évident que l’Irak allait être envahi, mais il ne pensait pas que cela déboucherait sur la chute de Bagdad 18 mois plus tard : «Bush et Blair ont menti intentionnellement », dit-il, « Ils étaient tous deux pro-sionistes. Ils voulaient détruire l’Irak pour le bien d’Israël, non pas pour les États-Unis et la Grande-Bretagne ».
Dépositaire de tous les secrets du pays, notamment pendant la période d’embargo, Tarek Aziz savait que l’Irak n’avait ni armes de destruction massive, ni programme pour en fabriquer. Il a confirmé les déclarations de Saddam Hussein aux enquêteurs de l’ONU, à savoir qu’il avait laissé planer le doute sur l’existence d’un programme d’armement de l’Irak pour dissuader l’Iran d’attaquer. « L’Iran est notre pire ennemi », dit-il. « Saddam était un homme fier. Son devoir était de défendre la dignité de l’Irak ».
A la question de savoir si la fierté ne l’a pas emportée sur la sagesse, et si elle n’a pas conduit à la destruction de son pays », il répond : « Nous sommes Arabes, nous sommes nationalistes arabes. Nous devons être fiers ». Aujourd’hui, l’Iran « développe un programme d’armement. Tout le monde le sait et personne ne fait rien. Pourquoi ? ».
Alors que tous ses amis craignaient pour sa santé depuis son transfert du Camp Cropper, Tarek Aziz affirme qu’il est bien traité. Tant mieux, et on espère qu’il en est de même pour ses compagnons. Il dispose de l’air conditionné, des médicaments qui lui sont prescrits et peut prendre l’air dans un petit jardin à proximité de sa cellule. Il suit l’actualité de sa prison, à la télévision, et est horrifié par ce qu’il voit :
« Pendant 30 ans, Saddam a bâti l’Irak, et maintenant le pays est détruit. Il y a plus de malades que dans le passé, plus de faim. Les services étatiques n’existent plus. Des gens sont tués tous les jours par dizaines, sinon par centaines.
Nous sommes les victimes de l’Amérique et de la Grande-Bretagne…(…)… Ils ont tué notre pays ».
« Quand Obama a été élu président, je pensais qu’il allait corriger certaines erreurs de Bush. Mais, c’est un hypocrite. Il laisse l’Irak aux loups ».(2).
Un pas vers la « réconciliation » ?
Dernièrement, le Haut tribunal irakien a libéré Khamis Sirhan al-Muhammadi (3), ancien gouverneur de la province de Kerbala – n° 54 des dirigeants les plus recherchés par les occupants (4), faute de preuve à charge sur sa participation à l’assèchement des marais du sud du pays.
Au moment où les Etats-Unis réduisent la présence de leurs troupes en Irak, et où il est question d’un soi-disant gouvernement d’union nationale, cette opération de communication décidée par Nouri al-Maliki marque-t-elle un pas dans le processus dit de réconciliation voulu par les Etats-Unis ? En tout cas, l’événement ne déplait pas à Iyad Allaoui. Quand il a appris que le Guardian allait interviewer l’ancien vice-Premier ministre, il a fait dire au journaliste : « Dites à Tarik Aziz qu’il est mon ami et que je pense souvent à lui. C’est un homme bon… C’est une erreur de le garder enfermé depuis si longtemps». – Facile à dire aujourd’hui : s’il l’avait libéré entre mai 2004 et avril 2005, lorsqu’il était au pouvoir, l’Irak n’en serait sans doute pas là.