Municipales: la droite a-t-elle séduit les électeurs musulmans ?

Municipales: la droite a-t-elle séduit les électeurs musulmans ?

Écrit par Ilyess

Jeudi, 03 Avril 2014 21:48

Des villes populaires, où la droite avait ciblé les électeurs musulmans, sont tombées dans son escarcelle lors des municipales, relançant l’hypothèse d’un “vote musulman” en train d’échapper à la gauche.
A Marseille, le candidat socialiste malheureux, Patrick Menucci, a imputé une partie de sa défaite à la perte d’électeurs musulmans après une campagne dure sur le mariage homosexuel.

En Seine-Saint-Denis, où plusieurs bastions de la gauche ont basculé, le président PS du Conseil général Stéphane Troussel met en cause “l’instrumentalisation des questions de société” dans les cités par certains candidats de droite “sans scrupules”.

“Il faut voir ce qui se racontait, sur ce que les enseignants allaient raconter aux élèves à la demande du gouvernement socialiste”, dit-il en référence aux rumeurs contre un prétendu enseignement de la “théorie du genre”.

Ces rumeurs avaient poussé des parents musulmans, généralement plus conservateurs sur les questions de mœurs que le reste de la société, à retirer leurs enfants des écoles en janvier.

Observant cette crispation, le patron de l’UMP Jean-François Copé avait appelé ses troupes à partir à la conquête des électeurs musulmans, qui avaient voté à 85% pour François Hollande au second tour de la présidentielle.

Plusieurs candidats de Seine-Saint-Denis l’ont pris au mot. A Aulnay-sous-Bois, le représentant de l’UMP a distribué le livre “Mehdi met du rouge à lèvres”; au Blanc-Mesnil, le candidat UMP a adressé un courrier aux électeurs mettant en garde contre “la théorie du genre”…

Selon M’hammed Henniche, secrétaire général de l’Union des associations musulmanes du département (UAM93), la campagne de “séduction” s’est aussi traduite par des marques de “respect”, destinés à faire oublier les polémiques sur le halal, la burqa ou les prières de rue qui avaient marquées la présidence de Nicolas Sarkozy.

La droite a, à la surprise générale, su parler à la communauté musulmane et ça a marché

“Il y a eu plein de petits signes destinés à dire Sarko c’est fini, oubliez les folies islamophobes de sa fin de règne”, dit-il, en citant la présence de femmes voilées sur les listes d’Aulnay-sous-Bois et d’Argenteuil (Val d’Oise) ou des visites dans des lieux de culte comme à Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine).

A Bobigny, l’UDI Stéphane De Paoli a même intégré sur sa liste des membres du petit parti “Union des musulmans démocrates de France”.

“La droite a, à la surprise générale, su parler à la communauté musulmane et ça a marché”, déclare M’hammed Henniche, en estimant que cette opération de charme avait eu deux conséquences : faire voter certains musulmans à droite ou les pousser à s’abstenir, ce qui a privé la gauche de réserves de voix.

Effectivement, Aulnay-sous-Bois, Bobigny, le Blanc-Mesnil, Argenteuil, Asnières… ont basculé à droite, avec des taux d’abstention très élevés.

Philippe Velilla, auteur de “la République ou les tribus”, y voit la preuve de l’émergence d’un “vote musulman”. “En déplaçant au niveau national 20% de ce vote qui représente 5% des suffrages exprimés à son avantage, la droite gagnerait un point, les élections se jouent parfois à cela”, dit-il.

“Il existe bien un vote musulman, mais il est petit”, nuance le député PS Malek Boutih, ex-président de SOS Racisme. “Ceux pour qui la religion est le premier dénominateur de leur choix politique est peu important. Ce qui a manqué à la gauche, c’est le vote des banlieues”.

Vincent Tiberj, chercheur à Sciences Po, conteste l’idée même d’un vote lié à l’islam. Les musulmans sont souvent issus du Maghreb, d’Afrique ou de Turquie, souligne-t-il: “ce n’est pas leur religion mais leur origine, leur visibilité qui crée le vote à gauche”.

Ils sont donc plus sensibles aux thèmes du racisme, de la lutte contre les discriminations qu’aux questions de mœurs. D’ailleurs, rappelle le sociologue, les musulmans avaient voté pour Lionel Jospin en 2002 malgré leur désapprobation du Pacs. S’ils se sont abstenus cette fois, juge-t-il, c’est, outre les questions d’emploi, parce que le gouvernement n’a pas investi les thématiques d’intégration, comme le droit de vote des étrangers.

Source : AFP

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